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My Cancer is Rich
5 mars 2008

Bon allez, je raconte

Mon premier contrôle parce que c'était quand même marrant.

Déjà, j'étais passablement angoissée, ce qui faisait que j'avais un mal de chien à décoller de chez moi ce matin-là, que j'ai mis un temps fou à m'habiller parce que je posais un vêtement dans un coin, j'allais en chercher un autre, et puis j'oubliais ce que j'avais fait du premier, je cherchais dans toute la maison au point qu'à la fin je ne savais plus ce que je cherchais, et je recommençais au début, enfin vous voyez le genre...

Vu mon état de légère confusion mentale, je me suis dit qu'un petit anxiolytique ne me ferait pas de mal avant d'attaquer ma journée. En effet, ça me rappelait grave de grave des souvenirs un peu louches puisqu'il y a un an quasiment jour pour jour, j'avais une boule préoccupante dans le sein et que tout s'est enchaîné dans les semaines qui ont suivi. Pendant ces semaines j'ai fait une consommation intéressante d'anxiolytiques, et puis j'ai tout arrêté après la chirurgie. En reprendre là marquait bien ce que je ressentais, à savoir les angoisses de l'année dernière. Parallèlement, le parcours des traitements m'a quand même bien servi à relativiser : après tout qu'est-ce que c'est qu'une petite tumeur, hein? J'en mourrai pas tout de suite, je vais juste me retaper un an de traitements pourris, mais cette fois-ci je m'en sortira archi-trop-bien parce que je suis expérimentée (avec quand même une autre petite voix qui me disait "tu parles" en ricanant dans mon oreille).

Bref je décolle de la maison par un grand soleil glacial, je me mets mes écouteurs sur les oreilles et je braille à tue-tête "OYE COMO VA" avec Celia Cruz dans ma voiture (tiens, elle est morte d'un cancer, celle-là!) (bon c'est pas grave) (EL RIIIITMOoooo, bueno pa'gozaaaaaaar, mulataaaaa).

J'arrive au centre anticancer d'une humeur radieuse, mais paradoxalement, les larmes pas loin derrière. Je poireaute un temps infini à l'accueil pour qu'on m'imprime mes étiquettes (c'est un rituel immuable à l'hôpital, une cérémonie d'intronisation, on ne rentre pas sans ses étiquettes). L'attente me fait monter les larmes derrière les paupières mais c'est pas grave parce que dans mes oreilles il y a Tété qui me chante "Une bonne paire de claques, rien de tel pour faire circuler le saaaaaang".

 

J'arrive enfin au sanctuaire de sénologie où une foule imposante a squatté tous les sièges de la salle d'attente. Ca commence mal et je m'apprête à me mettre en mode "je suis un grand maître zen shaolin et peux rester debout pendant des heures dans la position de la grue sans bouger d'un poil", lorsque qu'une dame sort d'un bureau et appelle mon nom.

Wouaaaah me dis-je, en fait aujourd'hui, je suis une grande veinarde. Elle me demande si je n'ai pas reçu ses messages, "bin noooon !" lui dis-je d'un air hagard, car je sens que ça sent le roussi. Quel dommage, il va me falloir attendre trèèèès longtemps parce qu'il y a eu un décès et on ne pourra pas me faire mes examens dans les temps... Ma doué ! le(la) radiologue a mouru !!! Juste le jour de mon bilan ! pouvait pas attendre un peu ??? Heureusement on me propose de revenir dans 1h30, 2h... Pas de problème, dis-je avec un grand sourire, tout de même assorti d'un regard grave de compréhension du drame qu'ils vivent, pouf ! Je suis tellement zen, cool, décontrastée que ça ne me gêne pas du tout, et puis cas de force majeure, je comprends bien !

Conclusion je ressors de l'hôpital un peu tremblante et toujours tendue, et, mes écouteurs me chantant du Carlos Vives, je vais faire un tour au boulot histoire de passer le temps.

Je le passe bien, le temps, parce qu'il y a eu une sorte de tirage au sort des salariés, et 2 jolies bouteilles de vin m'y attendent. Mon collègue gros fêtard pas encore trentenaire et résolument célibataire a reçu un lot cosmétique avec deux jolis rouges à lèvres, un bain parfumé et une poudre à bronzer. Je vois bien dans son regard qu'il échangerait bien avec moi, mais hahahaha non ! je m'amuse trop à le voir ramer pour trouver comment se débarrasser de son maquillage et puis moi je préfère le rouge du pinard à celui du lipstick ! ;-) Ca pourrait peut-être lui servir pour choper l'la meuf, quoi, franchement, non ?

J'arrive même à travailler juste assez pour comprendre que ce que j'avais prévu de faire cette semaine ne pourra certainement pas se faire pour cause d'incompatibilités techniques (je suis assez fière de moi en fait, comprendre ce genre de choses c'est quand même assez important, de justifier son salaire en concluant qu'on ne peut pas faire) et le glas l'horloge sonne une nouvelle fois l'heure de mon bilan nénégraphique.

Je repars à l'hôpital avec mes écouteurs que me passent une musique subtile et spirituelle digne du meilleure de France Culture : un merengue grave, à savoir "el baile del perrito" de Wilfriedo Vargas.


 

Et puis voilà : à peine arrivée, on me donne une étude à remplir - j'avais bien reçu un courrier m'indiquant qu'on me proposerait de participer à une étude, c'est chose faite. 20 minutes à cocher des cases pour expliquer que oui, j'ai peur, que oui, je crains un nouveau cancer mais que malgré mon ankylose chronique, mes kilos qui débordent et mes bouffées de chaleur je me trouve plutôt en bonne santé et de fort bonne humeur. Finalement je me demande si ça ne m'a pas un peu déstressée, cette étude. D'un seul coup je me suis retrouvée dans la salle fatidique et ai sagement fait ce qu'on me disait sans état d'âme. Enfin façon de parler parce que oooOOOuuuille j'ai eu mal ! (et aujourd'hui j'ai mal encore). La salle était très jolie, intime, pas trop médicale, et la dame était gentille (bien qu'elle m'ait fait maaaAAAal !!!). Ensuite j'ai eu encore un bout de questionnaire à remplir, et hop j'étais déjà avec l'échographiste qui m'a dit qu'il n'y avait rien à part un petit kyste à droite.

Ouaiiiis j'ai dit "j'ai rien", mais en vrai j'ai un kyste. Ceci dit il était déjà là l'année dernière, alors j'aurais été plutôt étonnée qu'il disparaisse comme ça.

Et nous passons à l'échographie. En fait le monsieur, je pense qu'il est interne, ou stagiaire, ou ne je sais pas quoi. Il doit probablement remplacer celui qui a passé l'arme à gauche le matin. Il n'a pas l'air super à l'aise. En plus, je connais le grand problème de l'échographiste, c'est qu'il annonce en temps réel la suspicion de cancer à une patiente qui est suspendue à ses lèvres, a les yeux fixés sur l'écran et guette le moindre froncement de sourcils. Moi, perso, j'aurais pas aimé être à sa place. Alors j'ai fait la nana super zen, genre "ah la la qu'est-ce qu'on est bien ici, tiens je vais faire une petite sieste".

Du coup le gars j'ai du le mettre un peu trop à l'aise. Il a trouvé que mon kyste il avait pas une gueule de kyste pur souche. C'était pas absolument noir-noir-complètement-noir au milieu. Il était très embêté de ne pas avoir l'échographie de l'année dernière qui l'avait déjà qualifié de kyste. Du coup il s'est levé pour aller demander son avis à un collègue expérimenté. Sauf que vu la mortalité ambiante, y avait pas foule et il est revenu bredouille, bien embêté avec son kyste.

Alors je lui ai dit de pas s'en faire, que dans 3 jours je vois Robert Redford et qu'on aura mes clichés de l'année dernière, et que lui, il saura quoi faire avec mon kyste. Alors le petit gars essaye de remplir la fin de mon étude, il me demande si je suis sous Tamoxifène ou Femara, s'apprête à cocher non et je lui dis oui, et dans la foulée me demande si je suis sous hormonothérapie. Trop au top le gars sur le cancer du sein, ça faisait plaisir à voir (pour les ignorants, le Tamoxifène, c'est de l'hormonothérapie) (allez, je vous en veux pas de pas savoir) (ni au gentil échographiste d'ailleurs) (il était gentil comme tout et tout petiot).

(En vrai, quand je verrai Robert Redford, je lui demanderai s'il ne veut pas me retirer ce kyste que l'échographiste a trouvé très très mais alors vraiment très louche, et puis dans la foulée, il pourrait en profiter pour m'égaliser ce sein droit histoire qu'il soit plus au moins de la même taille que son copain gauche qui a vachement rétréci au lavage).

Sur ce, je me rhabille en écoutant un peu de salsa celte,

et je retourne bosser.

Les branches d'arbres sont grises sur un ciel très bleu, le vent froid me pique et secoue mes mèches orangeâtres, et plutôt que de me plaindre, je décide de trouver ça très, très agréable.... :-)

 


 

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Commentaires
U
J'ose à peine imaginer la tête du petit scarabée avec ses rouges à lèvres ! ;-)
S
Arrrrrrrrrrrrghhhh tout à fait miam miam comestible Carlos Vives, ma que hombre!!!!!<br /> <br /> Tu ne me choques pas du tout à 'rire' de ce décès, ce sont les circonstances qui sont drôles, pas la mort en elle-même ...<br /> Et puis ça fait du bien de rire!<br /> <br /> Je vois que c'est la saison des bilans... humppffff... heureusement on peut encore fantasmer sur Carlos... ^ ^
L
C'est super drole, j'adore !!! encore encore encore !!! ;))) quel talent !! <br /> bizzz
C
c'est vrai qu'on dirait un film et en plus tu as Robert en personnage principal ! quel bol !<br /> gros bisous et tiens nous au courant <br /> …………………♥<br /> ♥ -•¯`-.,,.-> (¯`••¯) ♫-•¯`-.,,.-♫ <br /> …… BONNE JOURNEE <br /> …..♫-.,,.-•¯`-. ♫-•¯`-.,,.-> ♥<br /> ………………………..♥<br /> ♥ A Toi Mon Amie Du Net ♥<br /> ♥ Que Parfois J’embête ♥<br /> ♥ Par Mes Discours Et Mes Prises De Tête ; ♥<br /> ♥ Mais Qui Par Mail Interposé Est Toujours Prête, ♥<br /> ♥ Je Te Remercie D’être Celle ♥ <br /> ♥ Par Qui L’amitié Franchie La Barrière Du Virtuel ♥ CATHERINETTE des essentielles ♥ ♥ ♥
F
belle description de ces moments si particuliers!
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